Sébastien Ministru : on l’aime à l’italienne ! (interview)

Ciao Ciao Bambino

« Mille violons chantent leur mélodie / Un arc-en-ciel dans le ciel se déplie » fredonnait Dalida dans « Ciao Ciao Bambina ». Ces vers évoquent vraiment l’événement « Ciao Ciao Bambino » de Sébastien Ministru. Car c’est un événement, oui. Au Théâtre de la Toison d’Or à Ixelles, Nathalie Uffner est fière de son nouveau succès, complet jusqu’au 1er juin prochain. La culture gay a une nouvelle référence. Pas de panique, Sébastien Ministru confie que de nouvelles représentations sont prévues pour la saison 2014-2015. Et plein d’autres choses encore autour d’un café…

C’est assis à côté du tableau aux couleurs vert, blanc, rouge que Sébastien Ministru s’installe pour l’interview. C’est son oncle Antonio qui a l’honneur d’être sur l’affiche de « Ciao Ciao Bambino », une pièce toute personnelle qui parle de sa grande famille italo-belge. Les personnages n’existent pas dans la réalité, le trait est forcé pour que le spectateur reparte avec un mal de ventre de la salle. Cependant, c’est l’expression de la propre vie de Ministru. Bref, un miroir déformant.

Lors d’une veillée funèbre, Ciccio Bello, le défunt (incarné par Antoine Guillaume, comédien-fétiche de Sébastien Ministru) se souvient de ce que sa famille lui a fait vivre… il nous les présente à sa manière. Ceux-ci ignorent que, depuis l’au-delà, Ciccio s’amuse à les critiquer. Toujours en ironie et en tendresse. Car, oui, ils sont venus, ils sont tous là : Charles, le jules de Ciccio, mais aussi la famille proche : Carmelo, Nancy, Eric et Silvana. Bref, comme le dit le communiqué de presse « une réunion de famille italo-belge où on ne sait plus très bien ce qui est italo et ce qui est belge. »

Sébastien Ministru, rédacteur en chef adjoint pour le magazine télé « Moustique » et animateur sur Pure FM, n’en est pas à son premier coup d’essai arc-en-ciel. Il a obtenu une nouvelle reconduction de « Cendrillon, ce macho » au Centre Culturel d’Uccle du 15 au 25 janvier 2014. « Ciao Ciao Bambino a commencé en avril une semaine avant que la loi ne soit votée, raconte Sébastien. Mais il y avait plus de rapport avec le mariage gay dans Cendrillon, ce macho qui parlait vraiment du mariage. Je reprenais le schéma du conte de fée qui se termine par un mariage et des enfants, bref du bonheur. Dans les dernières représentations fin 2012, les comédiens ont rajouté une allusion au débat qui venait de débuter en France. »

Et vu le nouveau carton du conte de fée à la sauce gay en décembre 2012, Sébastien Ministru est bien parti pour jouer cette pièce à vie… « Oh oui, c’est un petit peu mon « Born To Be Alive » à moi ! se réjouit-il. Pour les comédiens, c’est absolument génial de travailler sur un spectacle qui démarre sold-out quasiment et auquel le public fait la fête à chaque réplique, chaque acte. Pareil pour Ciao Ciao Bambino, on était très surpris du succès dès le début. » Une parole difficile à croire tant le public a répondu présent plusieurs semaines avant les premières représentations. Le spectacle est désormais prolongé mais affiche complet jusqu’au 1er juin. De quoi faire déstresser le sympathique journaliste. « La saison prochaine est déjà entièrement calée. On parle de replacer Ciao Ciao Bambino mais pas avant septembre 2014. C’est un carton, il a même fallu ajouter des dates. Mais j’avais peur que les gens ne comprennent pas, n’aiment pas et ne viennent plus. On a toujours peur la veille d’un spectacle. Chaque nouvelle pièce est un retour à la case départ. Plus j’ai du succès, plus j’ai de la pression sur mes épaules. »

Justement, cette nouvelle prouesse, parlons-en. Elle fait écho à tous les débats sur le cosmopolitisme qui anime nos chers politiques. Une bonne source d’inspiration ? « Non, je n’ai pas du tout pensé à l’actualité sur l’identité culturelle et aux débats relatifs à l’immigration pour Ciao Ciao Bambino. Quand le TTO m’a commandé une nouvelle pièce, j’ai eu envie d’écrire sur mes origines et les quelques trucs de mon adolescence que j’avais en moi. Au départ, la pièce est du divertissement. Si celui-ci prend d’autres reliefs et fait écho chez le spectateur et les médias, pourquoi pas. Mais la base, c’est vraiment le divertissement. »  Ce nouveau spectacle fait d’un jeune homme gay son héros mais parle avant tout de mort. Deux thèmes qui ont traversé la carrière de Dalida. Celle à qui on pense en entendant le titre. « Ce n’est pas du tout un hommage, infirme Ministru. Je voulais simplement avoir un titre italien qui fasse référence au départ, au deuil. Quelqu’un meurt et on raconte son enfance… Ce titre se prête bien à la situation. Dalida a repris Ciao Ciao Bambina et je souhaitais faire entendre quelques notes de cette chanson. Je trouvais dommage que les gens l’attendent et qu’elle ne vienne jamais à un moment du spectacle. » Et la chanson « Bambino » de la même interprète passait sur toutes les radios au milieu des années 50. Un bon moyen pour les immigrés massifs de se raccrocher à une parcelle d’Italie, un parfum de méditerranée. Dalida_ciao

« Quelques unes de mes tantes ont vu des extraits du spectacle à la télé et elles m’ont dit que ce n’était pas du tout notre famille. Je confirme, ce n’est pas du tout l’histoire de ma famille. Ce qui est vrai, ce sont les situations et les souvenirs racontés. Effectivement, ma grand-mère ne sortait pas de la maison sans ses kilos d’or sur elle, Je suis sicilien et sarde. Les Sardes ont une réputation de gens farouches, rugueux et plus réservés que les Siciliens plus bling-bling.  Mon grand-père a toujours dit que s’il quittait la Sicile, c’était pour New-York ou pour Flénu (près de Mons) et il a choisi Flénu, la scène chez le coiffeur est vraie aussi, … Les situations sont vraies mais les personnages sont inventés. Mais, oui, ma famille était inquiète de ce que j’allais raconter (rire). »

Une des scènes de la pièce raconte les sous-entendus d’un des professeurs de Sébastien. On devine que la famille a éprouvé des difficultés à s’intégrer. « Il m’est parfois arrivé, tout petit, de ressentir un sentiment de racisme larvé. Le plus dur a sans doute été pour mes parents et grands-parents. Ça n’a pas été évident pour eux. Ils arrivaient de Sicile, un pays pauvre mais baigné de soleil. Quand on quitte ce décor pour arriver dans le Borinage au milieu des années 50, c’est difficile. Ma grand-mère pleurait parfois. »

La famille débarque donc en Belgique pour se fabriquer d’autres souvenirs. Les hommes partaient « tâter le terrain » seuls et emménageaient dans un vrai camp. « On n’appelait pas ça des maisons mais des baraquements, explique Sébastien. D’abord, les hommes immigraient seuls et habitaient dans des cantines, c’est-à-dire des dortoirs pour hommes. Les femmes et les enfants arrivaient par la suite et habitaient dans des baraquements avant d’emménager dans des maisons de mineurs, les corons. Je suis né dans l’une d’entre elles. C’était particulièrement inconfortable. La partie sanitaire était dehors. Ensuite, j’ai vécu la cité. Ça, c’était très moderne et assez coquet. Ce n’était pas le grand luxe mais c’était déjà plus confortable. Il y avait beaucoup d’Italiens et un peu de Polonais. En tout cas, s’il y a un processus d’intégration qui a réussi en Belgique, c’est celui des Italiens ! Le terreau était assez identique malgré les grandes différences entre Belges et Italiens. La preuve : notre Premier ministre est italien. »

Alors que l’adolescence touche à sa fin, chacun des quatre enfants de la famille doit choisir sa voie. Sébastien se lance alors dans la gestion des ressources bibliothécaires. « J’ai voulu devenir journaliste depuis tout petit mais j’ai un diplôme de documentaliste, avoue-t-il. Ça m’a ennuyé mais quand j’entame quelque chose, je vais jusqu’au bout. J’ai dit à mon père que j’allais continuer même si je n’ai pas aimé l’environnement de ce secteur fin des années 70. Après, j’ai entamé une licence de Journalisme à l’UCL. Grâce à mon diplôme de bibliothécaire/documentaliste, j’ai pu sauter les deux premières années. Je me suis fait rapidement repéré par « Télé Moustique ». Mon premier job journalistique et mon dernier. C’était il y a 28 ans… J’avais commencé par la création des grilles de programmes télé. J’aime la presse écrite et la radio sans choisir. A l’écrit, on peut plus travailler son texte. J’aime l’écriture. En pleine crise, la qualité d’écriture est d’autant plus importante. A l’écrit, on peut plus montrer ce qu’on sait faire avec des mots et un univers. A la radio, c’est plus direct et plus éphémère. Quand j’y repense, c’était une époque économique moins violente pour la presse. L’ambiance était plus bon enfant et beaucoup plus tournée vers l’artisanat. Un peu le paradis sur terre. »

En tant que rédacteur en chef adjoint de « Moustique », l’auteur de Ciao Ciao Bambino n’ignore rien des difficultés que rencontre la profession de journaliste. L’obsession du buzz, les modes qui s’épuisent vite, les valeurs sûres que deviennent l’émotion et les people, le politiquement correct. Cela pousserait-t-il les publications à être moins audacieuses ?  « Au contraire, il faut essayer de l’être de plus en plus. La mutation d’Internet et la crise économique ont une influence sur les rentrées publicitaires. Nous sommes dans un cul-de-sac qui provoque un peu de panique. On cherche des solutions… Avant quand on lançait une nouvelle formule, on était tranquille 5/6 ans. »

Et quel conseil donnerait-il alors à de jeunes journalistes ? Sincèrement, il hésite… « C’est difficile pour les jeunes journalistes des années 2010. On leur demande d’être multi-médias. Il faut savoir écrire, jongler avec les réseaux sociaux et d’avoir une culture numérique que nous autres, anciens, n’avions pas. On avait notre spécialité et on ne mélangeait pas. Il ne faut pas se voiler la face, les places ne sont pas distribuées à la sortie de l’université. L’économie de la presse influence aussi le mode de vie des jeunes journalistes. Ils galèrent beaucoup plus pour gagner un peu d’argent. »

Et souhaitons-lui d’en gagner encore prochainement avec son prochain spectacle : « Les Pétasses » qui démarrera le 2 octobre au Théâtre de la Toison d’Or. «On va le rôder pendant une semaine début juin, explique Ministru. La saison prochaine, on le jouera 6 semaines. C’est encore une comédie mais on y parlera plus de mort. Pour une fois, il n’y aura pas la thématique de l’homosexualité. C’est un miracle chez moi. Et il y aura aussi Irène De Langelée. Un beau spectacle où cette dame raconte sa vie de folle, puis s’arrête et chante ses chansons préférées. C’est à pisser de rire ! »

D’autres spectacles que la vie de prince et de souillon avec laquelle il a cartonné du côté du public et des critiques. Si on se la joue Hollywood deux minutes, on pouvait penser que cela aurait donné naissance à un second volet. Sébastien Ministru avoue enfin ! « Ça m’amuse de fantasmer donc j’ai eu l’idée d’un Cendrillon 2 avec les deux héros mariés mais ça n’a pas été plus loin que la blague autour de la table. » Dans une poignée d’années peut-être étant donné qu’il souhaite travailler le plus tard possible et être le nouveau Jean d’Ormesson !

Benoît Lutgen, déjà en campagne

Benoît Lutgen était la vedette politique belge du dernier week-end d’avril. Lors d’un congrès sur le développement humain organisé par le cdH à Louvain-la-Neuve, le président du parti a présenté la nouvelle charpente idéologique qui doit guider l’action du cdH au cours des prochaines années. Décryptage de son discours.

Est-ce l’absence de contenu ou de ligne claire pour le cdH qui a poussé Benoît Lutgen, à monter au créneau le week-end dernier ? Le président du parti ferait-il son Wouter Beke ? Ce dernier, président du CD&V, avait avoué fin 2012 que son parti politique manquait d’une ligne idéologique claire. L’actualité du cdH ferait-elle écho à celle du CD&V ?

Les deux partis perdent continuellement leur électorat de base, pour des raisons très différentes. En ce qui concerne le parti de Benoît Lutgen, ils n’ont que la solution d’essayer de plaire à tout le monde, d’où le fait de ne pas être trop clair mais de se raccrocher à des valeurs-symboles : l’humain, ce qui veut tout et rien dire en somme; aucun parti ne se déclare contre l’humain.

[View the story « Mais que s’est-il clairement dit ? » on Storify]

Par Luigi Lattuca et Florence Lestienne